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Ancre 1

... L’air devenait épais et les moustiques rôdaient avec tous les fantômes qui sortaient de la terre à l’heure du crépuscule. 

— Rentrons, souffla Noé. 

L’homme observa les bois qui se remplissaient d’ombres, acquiesça, se leva, et le suivit à travers les fougères jusqu’à la case de Chabine. 

 

La mère du jeune Noé venait juste de rentrer des soins qu’elle prodiguait chez la vieille Amalya. Elle les scruta longuement, puis mit a réchauffer de la soupe z'habitan que le duo perdu avala en silence. Comme chaque soir, elle fit boire à l’homme de nouveaux mélanges d’herbes et d’algues inconnues qu’elle dosait savamment en espérant lui rendre un peu de sa mémoire — et le laisser aller vers sa vie d’autrefois. Par la porte entrouverte, Noé fixait le type qui s’était assoupi dans le jardin sauvage. 

— Où étiez-vous passés ? souffla enfin la femme penchée sur ses bocaux. 

— Il avait disparu quand tu étais au puits. Je l’ai trouvé là-haut, au fond de la forêt. 

— Qu’est-ce qu’il y faisait ?

— Rien. C’est comme si sa mémoire revenait par instants et puis disparaissait. 

La grande femme acquiesça, puis laissa un soupir passer entre ses lèvres.

— On ne le connaît pas. Ne va pas n’importe où avec lui. 

Noé lui renvoya un regard un peu trouble. Chabine rangea ses pots et regarda la nuit. 

— Ne me cache rien non plus. 

Noé sentit la boîte dans le fond de sa poche, hésita à parler, mais garda tout pour lui. Sa mère ouvrit la porte donnant sur le jardin, s’assit sur le perron pour y trier ses graines en surveillant de loin le dormeur amnésique. 

 

Le lendemain, le type fila peu après l’aube. Noé ne dormait pas et le gardait à l’œil, explorant de l’autre œil les livres de Céleste. L’homme contourna la case et monta dans la rue qui menait vers les mornes. Noé rangea ses livres et partit à ses trousses. Il rattrapa son ombre. L’inconnu du rivage baignait dans une absence dramatique et paisible ; son corps semblait tiré par un mystérieux fil qui l’entraîna plus haut, au bord des champs de cannes. Noé accéléra et le trouva, prostré, face à un figuier-feu dont les racines anciennes enlaçaient une source. La grande silhouette frémit en se tournant vers lui. 

— Tout va bien Mister Five, c’est moi… 

— Qu’est-ce que je fais ici ?...

— Tu es encore parti.

(Extrait- Tome 1)

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